
C’est le soir que je revisite les autres temps du jour. Il me semble là que les projets naissent des rencontres. Où en suis-je de mes projets ?
Il me semble aussi que les rencontres ne se décident pas, ne s’anticipent pas… Enfin pas toutes ! Pas celles qui m’ont marqué d’une vilaine trace indélébile à laquelle je pense aujourd’hui.

Aujourd’hui parce que, fille des îles je ne connais pas l’automne. Je vis cette saison depuis trente ans sans m’en préoccuper, peu sensible aux changements qu’elle génère et qui ont inspiré une célèbre ariette à Verlaine.
Cet automne, s’annonce différent, est-ce seulement un besoin urgent de soleil ? Je suis mal d’être seule, mal de n’aimer personne, mal d’arriver à cette période où les uns et les autres vont afficher une joie factice pour « accueillir une saison froide et la nouvelle année ». Parce que cet automne-là me rappelle des échecs. Il me rappelle surtout le gaspillage émotionnel auquel je me suis livré trois années durant.

De l’extérieur on ne perçoit que mon pessimisme…et pourtant, je me retiens avec ce qui me reste de sociable, d’infliger aux uns et aux autres cette crasse qui parfois, mouillée par la pluie de mes larmes vient refaire surface. Il s’en échappe alors malgré moi des relents nauséabonds..Bien sûr que, policée à outrance, je tais le plus possible, je ne montre que ce que veulent voir ceux du quotidien…Je sais ce qu’il m’en coûte, je sais où sont mes manques, je sais l’équation entre la frontière de mes manques et celle de mes possibilités.

Personne n’y peut rien, personne n’y est pour rien et je n’ai pas de solution dans l’immédiat. J’ai conclu quelques arrangements avec le quotidien, ils ne sont qu’ersatz et cache-misère.
Quand on vit déraciné, quasiment sans traces du passé, c’est à cela qu’on s’expose ! À un présent morne et à une absence de futur. Je vais alors, de la nécessité au plaisir et du plaisir au dégout.
Dernière ressource quand l’ennui s’est installé bien au creux de ma vacuité…la bouffe ou la recherche de ce qui remplit ! Baise ou bouffe, remplissent alors le même office.
On me suggère d’aimer, on me demande d’arriver à aimer pour aimer. Aimer quoi, aimer qui ? Mais surtout comment aimer ?
L’autre avec ses particularités, ses caractéristiques…il vient se cogner à mes vides, fait saillir mes manques, veut les combler ou les taire quand il ne les nie pas tout simplement parce que ça crie trop fort. On voudrait que j’aime lisse, égal, répérant : je ne suis pas cela. Je suis plaie, je suis bosses, je suis angles. 
Arrondie parfois, je suis aussi rires, chants, rythmes et enthousiasme. Mais je suis l’un et l’autre ! les deux enchevêtrés, emmêlés et inséparables.

Ma vie est tensions, celles qui poussent à cogner jusqu’à s’en casser les jointures puis qui retombent une fois les coups portés satisfaits pour un temps avant une nouvelle montée en pression.
« Il n’y a point de déguisement qui puisse longtemps cacher l’amour où il est, ni le feindre où il n’est pas ». François de La Rochefoucauld. Il dit bien les choses, ce La Rochefoucauld !